Prix Nobel de physique 2020 [répertoire]
Astrophysique
Le prix Nobel de physique 2020 honore
des travaux sur les trous noirs
- Le Britannique Roger Penrose est récompensé pour ses travaux théoriques sur les
trous noirs.
L’Allemand Reinhard Genzel et l’Américaine Andrea Ghez sont
distingués pour leur découverte du trou noir supermassif au centre de la Voie
lactée.
-
- Les trois lauréats du prix Nobel 2020 de physique : Roger Penrose (à gauche, ici en 2005),
Andrea Ghez (au centre) et Reinhard Genzel (à droite en 2012).
- Cette année, le prix Nobel de physique porte sur les objets parmi les plus
exotiques de l’Univers, les trous noirs.
Pendant longtemps, les physiciens
se sont demandé si les trous noirs étaient réels, s’ils pouvaient se former dans le
cosmos ou s’ils n’étaient que des artefacts des équations de la théorie de la
relativité générale d’Albert Einstein.
- artefact : solution artificielle, parasite qui ne correspond pas à une réalité.
relativité générale : théorie de la gravitation où la force est remplacée par la déformation de l'espace-temps
- En 1965, Roger Penrose a démontré que les trous noirs pouvaient se former dans
des conditions réalistes et les a décrits en détail.
En particulier, les trous noirs
cachent en leur cœur une singularité de densité infinie où les lois de la relativité
générale cessent de s’appliquer.
- Un singularité : les variables prennent des valeurs infinies et les calculs ne sont plus possibles
L'infini n'est pas défini : il y a une infinité de valeurs infinies.
- À partir du début des années 1990, Reinhard Genzel et Andrea Ghez ont dirigé
indépendamment deux études observationnelles des étoiles évoluant au plus
près du centre de la Voie lactée, dans une région nommée Sagittarius A*.
Leur
dynamique a montré qu’elles étaient en orbite autour d’un objet très massif
d’environ 4 millions de masses solaires dans un volume plus petit que le Système
solaire.
Ils ont ainsi apporté une preuve indirecte de l’existence d’une classe
particulière de trous noirs : les trous noirs supermassifs nichés au centre des
galaxies.
- Le trou noir n'est pas visible d'autant plus qu'il est caché par toutes les étoiles entre la Terre et le centre de la Voie Lactée.
- L’histoire des trous noirs commence cependant bien plus tôt, dès la fin du xviiie
siècle.
En étudiant les conséquences de la mécanique newtonienne appliquée à
des objets très massifs, les savants John Michell et Pierre-Simon Laplace ont
remarqué (indépendamment, en 1783 pour le premier et 1796 pour le second),
qu’on peut concevoir des objets gigantesques (par exemple 500 fois plus grand
que le Soleil avec la même densité) dont le champ gravitationnel est si fort, et
donc la vitesse de libération si élevée, que même la lumière ne pourrait
s’échapper de l’astre.
Ce seraient alors des « objets noirs ».
Michell s’était même
demandé comment détecter de tels objets : « Si des objets lumineux évoluaient
autour d’eux alors peut-être qu’à partir du mouvement de ces corps en orbite
nous pourrions inférer l’existence des objets au centre avec une certaine
probabilité.
» C’est cette même idée qui sera utilisée, deux cents ans plus tard,
par Reinhard Genzel et Andrea Ghez pour mettre en évidence la présence du trou
noir supermassif au centre de la Voie lactée.
- vitesse de libération : vitesse minimale pour s'échapper de l'attraction d'un corps céleste
vL2 = 2 G M / r à comparer à c
La troisième Loi de Kepler : a3 / T2 = G M / (4 π2)
- Le concept d’objet noir de Michell et Laplace avait cependant l’inconvénient
d’être le résultat d’une réflexion dans le cadre de la mécanique newtonienne.
Or,
en novembre 1915, Albert Einstein a montré que cette dernière n’était qu’une
approximation d’une théorie plus fondamentale, la relativité générale.
Le
physicien allemand a conclu que la masse et l’énergie déformaient le tissu de
l’espace-temps.
La courbure de ce dernier, en déviant la trajectoire des objets qui
s’y déplacent, correspond à ce que l’on nomme la force gravitationnelle.
- Malgré la complexité mathématique de cette théorie, en quelques mois,
l’astronome allemand Karl Schwarzschild a proposé une solution aux équations
d’Einstein, dans le cas d’un objet massif sphérique et sans rotation.
La solution
de Schwarzschild avait cependant deux problèmes : elle prend une valeur infinie
au centre, et pour un rayon r = 2GM/c2 (où G est la constante gravitationnelle,
M la masse de l’objet et c la vitesse de la lumière), depuis nommé rayon de
Schwarzschild.
Comment interpréter ce résultat ?
- Si le problème du centre a été assez vite interprété comme une vraie singularité,
indiquant que la théorie de la relativité générale ne décrit plus correctement la
physique en ce point, le rayon de Schwarzschild a été difficile à comprendre.
Après plusieurs décennies, les chercheurs ont montré que cette singularité était
juste un problème de choix du système de coordonnées.
Mais pas seulement...
- La singularité du rayon de Schwarzschild existe pour un observateur éloigné du trou noir
Mais pour l'observateur qui tombe dans le trou noir, il n'y a pas de singularité à ce rayon.
- En 1939, les Américains Robert Oppenheimer et Hartland Snyder ont étudié
comment un nuage de matière s’effondre sur lui-même.
Ils ont alors compris le
sens physique du rayon de Schwarzschild.
Ce dernier définit un « horizon » dont
tout objet qui pénètre à l’intérieur ne peut plus s’échapper, pas même la lumière.
On a alors un « trou noir » (le nom ne sera inventé que dans les années 1960).
Ainsi, une étoile très massive qui s’effondre sur elle-même pourrait former un
trou noir.
L’astre se « couperait » alors du reste de l’Univers et ne peut plus
émettre d’information vers un observateur lointain.
Seul son champ
gravitationnel persisterait.
- Cette idée a cependant été accueillie avec scepticisme.
Une hypothèse centrale
du calcul d’Oppenheimer et Snyder était que le système devait présenter une
symétrie sphérique.
Or dans la nature, rien n’est parfaitement symétrique.
Une
étoile qui s’effondre finirait-elle réellement dans cet état si étrange qu’est un
trou noir, ou rebondirait-elle sur son cœur en explosant et en dispersant sa
matière dans le milieu interstellaire ?
- L’idée de trou noir a été relancée dans les années 1960 avec l’observation des
quasars.
En particulier, en 1963, Maarten Schmidt a montré que le quasar
QSO 3C 273 était situé à 760 mégaparsecs (2,4 milliards d’années-lumière).
Mais
vu sa distance, il devait être 1 000 fois plus brillant que toute la Voie lactée ! En
1964, Edwin Salpeter et Yakov Zeldovitch ont suggéré que les quasars sont des
galaxies dont le centre est occupé par un trou noir supermassif qui engloutit des
quantités colossales de matière.
Cette dernière s’échauffe en tombant et rayonne
intensément.
- pour expliquer comment une telle quantité d'énergie peut être émise,
la fusion nucléaire n'est pas suffisante : un trou noir dégage beaucoup plus d'énergie
-
Restait à résoudre la question de la formation d’un trou noir dans des conditions
réalistes.
Le mathématicien Roger Penrose s’est penché sur le problème
dès 1964.
Il a considéré le problème sans faire l’hypothèse de symétrie sphérique.
Pour parvenir à une solution, il a développé des outils mathématiques inspirés de
la topologie.
Il a ainsi montré que, sous des conditions très générales (sans
symétrie particulière), l’effondrement de matière conduit à la formation d’une
singularité et d’un horizon, c’est-à-dire d’un trou noir.
- Les trous noirs ne sont donc pas seulement un artefact mathématique des
équations de la relativité générale.
Ils peuvent se former lors de l’effondrement
du cœur d’une étoile massive.
La découverte des quasars a également amené le
Britannique Donald Lynden-Bell, en 1969, à suggérer que la plupart des galaxies
hébergent un trou noir supermassif en leur centre, dont la masse pourrait
atteindre un million voire un milliard de fois celle du Soleil.
Deux ans plus tard,
avec son compatriote Martin Rees, ils ont suggéré que c’était aussi probablement
le cas dans la Voie lactée.
- Mais les instruments de l’époque avaient une résolution trop faible pour scruter
le centre galactique, identifié par Harlow Shapley il y a près de cent ans, dans la
direction de la constellation du Sagittaire.
À la fin des années 1960, la source
radio Sagittarius A* avait été clairement identifiée comme étant le centre de la
Voie lactée.
Cependant, cette région est riche en gaz, en poussière (ce qui la rend
particulièrement opaque à la lumière visible) et en étoiles tournant sur des
orbites serrées.
- À partir des années 1990, la résolution des télescopes géants dans le proche
infrarouge est devenue suffisante pour observer le centre galactique.
L’équipe de
Reinhard Genzel a d’abord utilisé le NTT (New technology telescope) à la Silla, au
Chili, puis le VLT (Very large telescope), au Paranal, également au Chili.
L’équipe
d’Andrea Ghez a pour sa part utilisé l’observatoire Keck, à Hawaii.
- L’étude du centre galactique nécessite un suivi sur une longue durée, ce qui
exclut l’utilisation des télescopes spatiaux.
Mais les observatoires au sol ont
l’inconvénient d’être soumis aux turbulences atmosphériques, qui altèrent la
qualité des images.
Pour compenser cette perturbation, les deux équipes ont
d’abord utilisé une technique nommée speckle imaging, mais celle-ci ne
permettait de suivre que les étoiles les plus brillantes.
À partir des années 2000,
les deux équipes ont utilisé une nouvelle technique, l’optique adaptative.
Elle
consiste à créer une étoile artificielle à côté de la zone observée avec un laser qui
excite les atomes de sodium de l’atmosphère.
Les déformations dues aux
turbulences atmosphériques sont alors analysées en direct et corrigées grâce à un
miroir secondaire déformable.
- On excite des atomes de la haute atmospĥère : dont on connaît les positions
les rayons lumineux provenant de l'étoile subissent la même déformation.
- Les deux équipes ont ainsi suivi, grâce à des données toujours plus précises, les
étoiles les plus proches du centre galactique.
Elles ont notamment suivi la
trajectoire de l’étoile S2, dont la période de révolution est de seulement seize ans
(le Soleil effectue un tour de la Galaxie en deux cents millions d’années).
Les
deux équipes sont arrivées à la même conclusion : la course elliptique de
l’étoile S2 suggère qu’elle évolue autour d’un objet de près de 4 millions de
masses solaires, compatible avec un trou noir supermassif.
- Les résultats de Roger Penrose, Reinhard Genzel et Andrea Ghez ont été le point
de départ de nombreux travaux aussi bien théoriques qu’observationnels sur les
trous noirs, l’astrophysique en général et la cosmologie.
Par exemple, Roger
Penrose et Stephen Hawking ont utilisé les mêmes outils pour montrer qu’une
singularité passée est inévitable dans le modèle du Big Bang.
Ces travaux ont
aussi amené au phénomène du rayonnement de Hawking et de l’évaporation des
trous noirs.
Aujourd’hui, le défi pour les théoriciens est de comprendre comment
concilier la mécanique quantique et la relativité générale pour décrire plus
précisément ce qui se passe au niveau de la singularité.
- Big Bang : l'Univers a commencé il y a 13,8 milliards d'années à partir d'une singularité
à partir d'un état très chaud, suivi d'une inflation de l'espace,
puis de la formation progressive des particules, puis de l'hydrogène, . . .
- Des observations sur les trous noirs pourraient apporter des indices.
C’est
notamment le cas du consortium Gravity qui continue d’observer Sagittarius A*,
ou encore du télescope Event Horizon, qui a réalisé en 2019 la première image
d’un trou noir supermassif au centre de la galaxie M87.
Les interféromètres lasers
géants Ligo et Virgo traquent également les ondes gravitationnelles émises lors
de la coalescence de deux trous noirs.
- interféromètres : pour obtenir une grande précision, on dédouble un faisceau lumineux
les 2 faisceaux suivent des trajets différents, sont réfléchis par des mirroirs
et sont regroupés pour interférer.
Au moindre écart entre les 2 trajet, les interférences sont modifiées.
interférences : quand 2 ondes lumineuses se superposent, elles s'annulent si elles des phases opposées.
et s'additionnent si elles ont la même phase.
phase : angle de rotation d'un vecteur dont la projection est la fonction sinusoïdale sin( ω t − k x )
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